22/08/2025
Peau d'ourse
"J'attends plus qu'un truc: me faire avaler par la montagne. "
De son prénom, Nina, elle ne veut plus rien entendre. Elle s'est approprié le surnom peu glorieux attribué par les autres: "Mont Perdu": "Un mont en forme de bouse. C'était parfait pour me rebaptiser. "
Elle c'est donc Mont Perdu et elle résume ainsi sa vie : "16 ans, moche et village de merde." , village auquel elle est farouchement attachée car situé non loin de ses sœurs, les montagnes.
Son corps gigantesque, se couvrant de plus en plus de poils, son orientation sexuelle (la seule queer du village), tout cela l"isole et la victimise au lycée. Elle crache donc sa rage et ses mots déboulent comme un torrent, adressés à une amie imaginaire à qui elle avoue son amour pour Kelly et son rêve de fusion dans la montagne. Cette montagne qu'elle souffre de voir martyrisée par les chasseurs et les hommes avides.
Flirtant avec le fantastique et l'univers du conte, ce roman évoque à la fois des problématiques écologiques mais brosse surtout le portrait d'une adolescente pleine de fureur face aux transformations de son corps, à son appétence sexuelle, fureur que seule la nature apaise. Cette violence contraste avec des passages poétiques où s'expriment des animaux, grands ou petits, des éléments naturels. Se livre aussi, pied à pied , un combat entre l'humain et l'animal car l'auteur inscrit un mythe lié à l'ours dans une réalité contemporaine.
Un roman qui dépeint la férocité adolescente et en montre toute la ferveur. Une écriture puissante et inspirée. Et zou sur l'étagère des indispensables.
Merci à l'éditeur et à Babelio.
Editions du Seuil 2025.
06:04 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée Littéraire 2025, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : grégory le floch
21/08/2025
#Lesvulnérables #NetGalleyFrance !
" Quelque chose manque. Quelque chose a été perdu. Je crois que ce questionnement est au cœur de mon écriture. "
En pleine pandémie mondiale, une écrivaine s'interroge sur les relations entre les gens, sur les liens entre fiction et réalité, sur son écriture, elle revient aussi sur son passé. Sa pensée semble vagabonder, de digressions en digressions mais toujours pertinente et intéressante.
Au cœur de cette réflexion également, le récit de gardiennage de perroquet qu'elle a vécu dans un appartement luxueux, en compagnie de l'étudiant velléitaire, qui, au départ était chargé de veiller sur l'animal. L'occasion d 'observer tout à la fois un animal surprenant et un échantillon perturbé de la jeunesse contemporaine.
On s'attache à cette pensée qui avance toujours d'un pas sûr et on souligne à tour de bras les réflexions et les formules de Sigrid Nunez.
Editions Stock 2025.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sigrid nunez
20/08/2025
#Tressaillir #NetGalleyFrance !
" Le langage produit chez ceux qui le possèdent des effets de pouvoir et de surplomb et occasionne chez ceux qui ne le possèdent pas des effets de paupérisation et de faiblesse. Comme le fric et la beauté."
Michelle, écrivaine pour la jeunesse, quitte soudain Sirius, son mari ,avec qui elle mène une vie confortable mais étriquée.
Nécessité financière faisant loi, elle est contrainte de retourner sur ses traces d'enfance , dans les forêts vosgiennes qu'elle fuit depuis longtemps. S'étant toujours vécu comme une biche obligée de fuir (la métaphore file tout le long du roman), c'est fortuitement et pas vraiment grâce au psychiatre qui la suit, que Michelle découvrira les raisons de cette attitude.
L’écriture abrupte, syncopée ,de Maria Pourchet est souvent déconcertante mais correspond bien à l'état mental de son héroïne qui a perdu toute fluidité dans sa vie. Les formules fusent et brisent les codes du récit de reconquête de liberté. Une lecture exigeante pour un roman puissant.
Stock 2025.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : maria pourchet
10/07/2025
La Pommeraie
Envie de vous immerger dans une bulle de douceur et de tendresse ? Envie de découvrir un relation mère-fille singulière au cœur de la nature ? Alors foncez !
Tout ayant déjà été dit sur ce magnifique roman traduit par Céline Leroy, juste un lien: clic
Actes Sud 2025.
11:33 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : peter heller
08/07/2025
Les nuits d'argile
"Une invasion de crapauds, voilà ce qui nous attend. Ils finiront par nous dominer, par manger dans nos assiettes et coucher dans nos lits. "
Dix-huit nouvelles composent ce nouveau recueil de Gaëlle Heureux. Dix-huit textes hautement réjouissants pour qui aime lire des textes portant un regard à la fois acéré et feutré sur notre quotidien.
La chute du premier texte ( "Compatibles") , traitant de l'utilisation des applis de rencontres m'a fait éclater de rire car l'autrice pousse la logique de sa narratrice jusqu'au bout du bout.
Flirtant parfois avec le fantastique, avec par exemple le texte qui donne son titre au recueil, l'humour noir ("Jacques a dit") pour dénoncer les agissements d'un tyran domestique, les petites vengeances du quotidien ("Mélisse") l'auteur conserve néanmoins une certaine part de tendresse pour ses personnages dans lesquels nous pouvons sans peine nous reconnaître.
Elle dit les tensions souterraines qui soudain aboutissent à des comportements inattendus, les aveux, glissés mine de rien en fin de texte, s'interroge sur l'utilité des romanciers par rapport aux réparateurs de vélo... Bref, on se régale du début à la fin !
Un grand merci à l'autrice et à l'éditeur pour cet envoi, non rémunéré.
Editions Antidata 2025, 113 pages, 10 euro.
De la même autrice, j'avais aimé : clic.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gaëlle heureux
07/07/2025
Procès Mazan Une résistance à dire le viol
"La résistance des accusés à prononcer le mot viol est symptomatique de celle de toute une société qui, fuyant le mot, tolère dans la réalité ce à quoi il renvoie. "
L'angle choisi par Mathilde Levesque pour rendre compte du procès Mazan est l'analyse des discours utilisés par les différents intervenants (accusés, avocats, experts-psychiatres, ...).
L'esquive, par différents procédés, est ce qui marque le plus les propos tenus. Recherche de synonyme soutenu ("paraphilie" pour ne pas utiliser "perversion sexuelle", par exemple), d'euphémismes pour ne pas prononcer le mot "viol", tentatives de culpabilisation de la victime (un classique, malheureusement), réification des femmes, supposées être à disposition des hommes, appel à la compassion en évoquant les violences sexuelles subies par certains des accusés dans leur enfance (mais comme le souligne une amie de l'autrice : "si les personnes préalablement agressées basculaient systématiquement du côté de l'agression , alors il n'y aurait (presque) que des agresseuses. ", voilà quelques uns des procédés relevés qui m'ont particulièrement marquée.
A l'inverse, Gisèle Pelicot, dont la parole est rare au cours du procès, remet les choses à leur place : "Le mot viol n'est pas assez fort pour moi, ce sont des actes de barbarie. "
L'autrice souligne le caractère systémique de ces structures langagières de déresponsabilisation et le fait que ce procès "rend visible la haine des femmes - au mieux ignorées, au pire objectifiées", ce que l'on retrouve jusque dans "certains discours censés analyser la personnalité et l'attitude des accusés reprennent à leur compte la misogynie, orientée non plus vers le mépris de la femme mais vers l'impérieux besoin sexuel de l'homme."On croit cauchemarder.
Un livre de 175 petites pages (8 euro), nécessaire et édifiant qui file, bien évidemment, sur l'étagère des indispensables.
Payot 2025
06:00 Publié dans Document, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : mathilde levesque
03/07/2025
Guide de survie dans la nature pour les femmes
" Dans un camping, le fait de poser un tuba sur votre table de pique-nique fera que personne ne viendra s'y asseoir. " (Anonyme)
Très complet, plaisant à lire ,avec un petit côté volontariste et optimiste, ce guide destiné aux femmes, aborde de manière organisée tous les problèmes qui peuvent se poser quand on envisage de randonner.
Un chapitre concerne les problématiques féminines (comment choisir un bon soutien-gorge de sport, faire pipi dans la nature, avoir ses règles...), et conseille d'emporter un sifflet pour faire face aux éventuels lourdauds rencontrés en chemin, ce qui m'a paru un peu léger...
Le dernier chapitre intitulé " Surveillez vos manières " , devrez impérativement être lu avant de partir en randonnée afin de faciliter la vie de tous ceux qui parcourent les chemins et s'articule autour de trois principes: "le savoir-vivre, les règles de sécurité et le respect de l'environnement.Les illustrations Teresa Grasseschi contribuent par ailleurs au charme de ce manuel.
Un grand merci aux Editions Nouveau Monde et à Babelio.
06:00 Publié dans Pratique | Lien permanent | Commentaires (6)
18/06/2025
Le goûter du lion...en poche
"Mais elle m'a fait comprendre qu'accepter la mort, c'était aussi accepter son désir de vivre, de vivre le plus longtemps possible. Cela a été une véritable révélation pour moi. "
Shizuko, trente -trois ans, se rend sur l’île aux citrons dans un établissement où tout est fait pour adoucir la fin de vie des pensionnaires. Dans un environnement naturel à la beauté exceptionnelle, aidée par un petite chienne qui se prend d'affection pour elle, entourée par un personnel attentif , la jeune femme, dont l'affaiblissement est rendu de manière délicate, va pouvoir se préparer à mourir avec sérénité.
Sur un sujet éminemment périlleux, Ito Ogawa, dans un style fluide , à l'émotion contenue, parvient à nous donner envie de nous rendre sur cette île quand le moment sera venu.
Traduit du japonais par Déborah Pierret-Watanabe
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : ito ogawa
13/06/2025
De si remarquables créatures...en poche
"Mon nombre de neurones s'élève à une demi-million , répartis entre mes huit bras. Quelquefois, je me demande si je n'ai pas plus d'intelligence dans un seul de mes tentacules qu'un humain dans son crâne entier."
Dans son bassin, le bien trop intelligent Marcellus, pieuvre géante du Pacifique , s'ennuie. Alors, il a trouvé le moyen de régulièrement prendre la poudre d'escampette, la nuit, avant de regagner ses pénates. La seule à être au courant de ces escapades est Tova, agente d'entretien zélée, mais qui est minée par la disparition inexpliquée de son fils , trente ans auparavant. Heureusement son groupe d'amies"les Tricotoquées" l'entoure chaleureusement.
L'arrivée d'un jeune homme intelligent, mais qui a le chic pour se fourrer dans des situations lamentables ,va perturber tout ce joli petit monde et changer la donne.
Un premier roman choral mettant en scène des vieilles dames pleines d'énergie et de vitalité et ayant comme narrateur un poulpe,voilà qui pouvait s'avérer extrêmement risqué, voire ridicule. Et pourtant le pari est gagné car les personnages sont riches d'humanité et d'expérience, la narration est fluide et les péripéties entraînent le lecteur à tourner les pages sans s'en rendre compte ou presque. Vous cherchiez une lecture estivale ? La voici !
05:55 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : shelby van pelt
12/06/2025
Les Loups de Babylone...en poche
"Dans une sorte de vertige, il s'aperçut qu 'il avait plongé dans un monde dont il ne connaissait rien. Un monde où le Mal était possible, non pas le grand Mal qui fait peur aux enfants dans les contes de fées qu'on lui avait lus, enfant. Mais un petit mal ordinaire, un peu sale, veule. Un Mal de tous les jours."
Une officière de gendarmerie qui, pour échapper à une relation toxique, a demandé sa mutation à Millau. Une adolescente fragile, Cassandra, qui atterrit, par hasard dans une famille d'accueil du coin et va se lier d'amitié avec Estéban Perrault, un enfant d'une communauté écolo radicale qui vit en autonomie sur les Causses du Tarn. Tels sont les personnages dont les destinées vont se croiser par l'intermédiaire d'une disparition inquiétante : celle d'une jeune zadiste vue pour la dernière fois dans l'estive où paissent les moutons de la communauté.
Il paraît que des loups rôdent la nuit sur les causses, mais le Mal prend des formes beaucoup plus anodines. Et si les références à la mythologie et aux contes sont semées comme autant de petits cailloux, c'est peut-être pour mieux nous rappeler que mieux vaut se fier parfois à ceux qui nous paraissent les plus cabossés, les plus fragiles pour se tirer d'affaire...
La nature joue un rôle essentiel dans ce récit . Ce sont d’ailleurs certains de ses habitants qui délivreront la solution d'un des mystères de ce roman qui ne ménage pas ses effets et fait la part belle à des personnages qu'on quitte à regret.
Un roman addictif.
05:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : anne percin